Un triangle de suspension à changer sur cette voiture et un parallélisme à faire sur l'autre, rien de bien compliqué pour Shen. Le brun n'a pas encore prit l'habitude de travailler sous les ordres de quelqu'un d'autre. C'est difficile pour lui de bosser dans un garage qui n'est pas le sien. S'il devait avoir un projet d'avenir se serait d'avoir à nouveau son propre garage. Son patron d'ailleurs lui propose souvent de se trouver quelque chose avec ses capacités il n'aura pas de mal à avoir une clientèle fidèle. Il faut juste qu'il soit un peu plus souriant et même s'il lui conseille de partir il sera triste de perdre un employé comme Shen, qu'il dit souvent. J'y penserai, toujours la même réponse qui franchi les lèvres de Shen. Il y pensera quand il n'aura pas à penser aux dettes laissées par son père. Au garage que son père – toujours lui – veut récupérer. Comme s'il en avait quelque chose à faire de leur ancienne maison. Shen n'a aucune idée de comment se sortir de cette situation, il n'a aucune envie de courir pour récupérer son ancien lieu de vie. Il y pensera. En attendant, Shen se concentre sur les deux dernières voitures qu'il lui reste à réparer.

Terminé, la nuit est déjà tombée. Il faut dire que le soleil se couche tôt. Shen récupère ses affaires, s'apprête à rentrer mais son portable se met à sonner. Encore un petit truc à régler avant de rentrer finalement. Il faut qu'il fasse un détour au rade pour une histoire de recel. S'il pouvait laisser ça de côté aussi, il ne serait pas contre. Chaque chose en temps. Le travail au garage ne lui rapporte pas suffisamment, le travail manque depuis la fin de la guerre, il n'est même pas à temps complet. Et il refuse de ne se reposer que sur Li Hua, hors de question. D'ailleurs Shen envoie un message à Li Hua pour la prévenir qu'il aura du retard. Tout en rajoutant qu'elle ne s'inquiète pas, qu'il n'y a rien de grave. Ce n'est qu'une discussion. Pourtant la discussion s'éternise et il passe plus de temps que prévu au Rade. Et quand il s'apprête à se lever il est prit à parti par deux inconnus. Peut être pas si inconnus, il reconnaît une connaissance à son père. Il fallait s'en douter. « Et si on prenait un verre Shen ? » Autrement dit, reste un peu avec nous ici. Manquait plus que ça.

Ils parlent froidement, ils se croient imposants, Shen ne les écoute qu'à moitié. Il cherche à comment sortir d'ici. Quelqu'un s'approche avec plusieurs pintes à la main, l'occasion à saisir. Au monde où il passe Shen tend sa jambe discrètement, l'autre se prend les pieds en plein dedans, perd l'équilibre et renverse quelques verres sur un des hommes qui démarre au quart de tour. Tous reportent leur attention sur ce dernier, oubliant Shen un instant. Un instant c'est suffisant, Shen en profite pour quitter la table. Reste plus qu'à courir. Ce qu'il n'avait pas prévu, et il aurait du y penser c'est que deux autres faisait la garde dehors. Résultat quatre contre un. Il réussi à résister un moment avec des coups bien donnés mais ils sont plus nombreux et eux aussi savent se battre. « Le message est plus clair maintenant ? Dernier avertissement. » Et ils repartent comme ils sont venus. Shen lui repars plus difficilement. Il ne sait même pas quelle heure il est quand il arrive enfin chez lui, chez eux. Si Li Hua dort ou pas, quoi qu'il espère qu'elle dorme profondément. Le brun se dirige vers la salle de bain en essayant de faire le moins de bruit possible. Il allume la lumière son regard se porte sur son reflet dans le miroir. Il pose ses mains sur le lavabo, il ferme les yeux et soupire. Puis il passe son visage sous l'eau froide fait du bien à sa peau endolorie L'eau perd sa couleur claire pour devenir rouge dévoilant ainsi les contusions du visage de Shen.

Lihua n’avait pas fini trop tard aujourd’hui, bien qu’il faisait déjà nuit, mais elle avait commencé très tôt, partant avant même que Shen ne soit réveillé. Alors elle était bien contente de rentrer enfin à la maison, chez eux, pour pouvoir se reposer un peu après une journée aussi éreintante. Aujourd’hui elle avait eu un cas qui avait failli faire flancher ses nerfs, mettant son professionnalisme à dure épreuve. Un jeune enfant renversé par une voiture juste sous les yeux de sa mère. Et entendre les pleurs et les plaintes de cette dernière alors qu’elle tentait de maintenir l’enfant en vie, assez stable pour l’envoyer en chirurgie avait été très dur. Elle n’imaginait même pas la souffrance que cette mère devait endurer et une fois l’enfant stabilisé, elle l’avait regardé monter avec le médecin chirurgien, priant pour qu’il s’en remette et ne succombe pas sur la table. Elle était même allée allumer une bougie à la petite chapelle de l’hôpital pour lui. Quand elle était partie, son cas était toujours indécis malgré le succès de l’opération.

Rentrant chez elle, elle posa ses affaires avant d’aller dans la salle de bain pour passer un peu d’eau sur son visage avant de détacher ses cheveux, toujours attachés durant son temps de travail. Elle entendit son téléphone sonner et alla voir, lisant le message que Shen venait de lui envoyer lui disant qu’il aurait un peu de retard et comme à son habitude, qu’elle ne devait pas s’inquiéter. Car c’était ce qu’elle faisait tout le temps depuis quelques semaines. Toujours inquiète pour lui au vu de son travail au sein des enragés et surtout par rapport au retour de son père qui lui réclamait un garage. Soupirant, elle se fit un petit truc rapide à manger avant de se mettre devant la télévision. Le manque de présence lui fit se rappeler qu’elle devait discuter avec son petit-ami de la possibilité d’une présence animale dans leur appartement. La chinoise désirait plus que tout un chien, mais elle ne voulait pas l’imposer. Elle se nota l’idée d’en parler au coréen dès qu’il rentrerait.

Mais le garçon mit du temps à rentrer et la jeune femme se sentait tomber de fatigue. Eteignant la télévision, elle eut un regard pour la porte d’entrée avant de rejoindre la chambre. Elle espérait qu’il ne rentrerait pas trop tard, non pas qu’elle doutait de ce qu’il pouvait faire dehors aussi tard, beaucoup pourrait penser qu’il la trompait ou quelque chose de semblable, mais elle savait bien que ce n’était rien de tout ça.

Un sursaut la réveilla sans trop qu’elle sache depuis combien de temps elle s’était endormie. Se redressant dans le lit, elle souffla et inspira lentement, tentant de calmer sa respiration, les yeux fermées. L’instant passé, elle les ouvrit et constata un filet de lumière sous la porte. Shen sans doute. Se levant, elle sortit de la chambre sans un bruit et marcha doucement jusqu’à la lumière qui provenait de la salle de bain. Poussant la porte, elle commença : « Shen ? Tu es … » avant de s’arrêter horrifiée par ce qu’elle voyait. « Shen, qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? » Elle se rapprocha de lui pour constater les marques rougeâtres sur son visage, des traces de coup. « Laisse-moi voir s’il te plait. » dit-elle la voix cassée, en tentant de toucher des parties non-contusionnées de son visage avant de descendre ses mains jusqu’à son torse, remarquant qu’il grimaçait quand elle touchait certains endroits. « Enlève ton t-shirt, je vais m’occuper de tout ça d’accord ? » dit-elle en finissant par le regarder droit dans les yeux, se retenant pour ne pas pleurer.

Shen regarde son reflet dans le miroir, il n'arrive pas à y croire. Il n'arrive pas à comprendre son père, qui d'ailleurs à les mêmes yeux que lui. Vendre le garage au chef des terroristes c'était lâche mais explicable. Juste pas excusable. Mais là, vouloir le récupérer alors que jouer les mécaniciens ne l’intéresse plus depuis bien longtemps c'est incompréhensible. Il faut l'avouer ce n'était même pas un bon endroit pour vivre. Son père passait plus de temps dehors qu'à la maison alors qu'est ce qu'il cherche ? Son père a toujours fait les choses par pur intérêt mais la quel intérêt ? Certainement celui de montrer à son fils que quoi que Shen fasse il sera toujours là, comme son ombre. Chez les Oh, les liens du sang sont malsains, il ne veut pas s'occuper de son fils mais si son fils réussit il ne veut pas de cette réussite. Et il est prêt à tout.

Shen tente d'être discret même s'il n'a qu'une envie celle de frapper ce miroir qui reflète toute sa vie. Il laisse l'eau couler doucement pour qu'on ne l'entende pas trop pourtant derrière lui la porte de la salle de bain s'ouvre et le visage horrifié de Li Hua se reflète dans la glace. Il coupe l'eau et se tourne vers elle. N'opposant aucune résistance. Le regard fuyant tandis qu'elle examine les marques sur son visage. Chaque fois il lui dit que c'est la dernière fois qu'il rentre dans cet état. Aujourd'hui il n'a plus la force de dire quoi que ce soit. Il reste silencieux. Il sent les mains de sa petite amie descendre sur son torse. Il baisse les yeux au sol, tente de rester impassible alors qu'il a encore l'impression d'être rué de coup. Il se mord la lèvre pour ignorer la douleur, ou plutôt la reporter ailleurs mais il ne peut pas s'empêcher de grimacer quand les mains de la chinoise se déplacent. Shen relève la tête, regarde Li Hua au bord des larmes. « Li Hua ... » Dit-il en posant sa main sur son visage caressant sa joue, avant de retirer celle ci et de se s'arrêter de parler. « Oublie. » Rajoute t-il quelques secondes après. Le coréen s'apprêtait à lui redire de ne pas s'inquiéter. Même à bout de force, il a du mal à ne pas prononcer ces trois douloureux mots. Mais comment ne pas s'inquiéter ? Lui même a peur. Peur de la perdre, peur qu'un jour elle ne supporte plus de le voir dans cet état et qu'il ne la retrouve plus en rentrant un soir. Il recule, enlève difficilement son tee-shirt. « Quelle heure il est ? Tu bosses demain ? » Sous entendant qu'il peut très bien s'occuper de lui même tout seul, qu'elle se repose. Il ne le dit pas ouvertement car il sait qu'elle refusera et restera la à panser ses plaies. Shen s'assoie sur le bord de la baignoire et la regarde. « J'ai pas l'intention de lui céder, tu le sais ? » Il n'a pas besoin de citer son père, elle sait de qui il parle. « Je règle ses dettes et après c'est terminé. » Comment ? Il ne sait pas encore, mais tout sera terminé.

C’était rare que la jeune femme se réveille dans la nuit, surtout quand elle était chez elle. Généralement elle était tellement épuisée qu’elle dormait comme une souche. À l’hôpital quand elle avait le temps de se reposer dans un coin, elle se réveillait au moindre bruit de biper, prête à repartir travailler comme si de rien n’était. Se réveiller en sursaut à la maison était beaucoup plus rare. Sans doute n’avait-elle pas l’esprit tranquille jusqu’à ce que Shen rentre à la maison. En se réveillant, elle n’était pas sûre d’avoir réellement entendu du bruit, mais néanmoins la demoiselle s’était levée et avait remarqué de la lumière dans la salle de bain. Lihua était soulagée que son petit-ami soit enfin rentré. Néanmoins ce soulagement laissa place rapidement à l’inquiétude et l’horreur de voir l’amour de sa vie dans un état pareil. Blessé, des contusions un peu partout, des bleus, du sang. Elle avait l’habitude de voir ça à son travail, mais cela était particulièrement difficile quand elle connaissait la personne, bien plus quand c’était un proche. Encore plus quand cela concernait Shen pour qui elle s’inquiétait constamment dû à sa reprise d’activité peu recommandable comme dirait certains.

Se précipitant vers lui, elle tâcha de faire preuve de professionnalisme quand elle examina son visage et qu’elle le vit grimacer de douleur quand elle touchait certaines parties de son corps. Ses larmes lui montèrent rapidement aux yeux, mais elle tenta de les contenir le plus longtemps possible. Mais elle savait qu’il les verrait, avant même qu’elles ne roulent sur ses joues. Shen la connaissait, il lisait en elle comme dans un livre ouvert. Comment voulait-il qu’elle oublie ? Néanmoins elle se tut, ne voulant pas se disputer sur les raisons de son passage à tabac. Pour l’instant, elle voulait simplement le soigner du mieux qu’elle le pouvait. Alors qu’il enlevait son t-shirt, elle alla récupérer rapidement une trousse complète de premier soin qu’un urgentiste se trimballait toujours sur soi, le rejoignant de nouveau. « Il doit être deux ou trois heures je ne sais pas trop … Je bosse oui, mais tu es plus important que mes heures de sommeil. » Elle ne comptait pas le laisser seul si c’est ça qu’il sous-entendait. Jamais elle ne le laisserait seul. Si elle pouvait faire un petit quelque chose pour lui, qu’il la laisse faire. A part soigner, elle n’était pas bien utile. S’accroupissant et ouvrant sa sacoche, elle se crispa un instant en l’entendant mentionner son père sans néanmoins le dire ouvertement, mais elle avait compris. Elle aurait dû s’en douter. Gants aux mains, elle palpa doucement ses côtes pour savoir si certaines sont cassées, avant de lever les yeux vers lui. « Je sais que tu ne cédera pas … et lui non plus malheureusement. » souffla-t-elle. Récupérant le matériel nécessaire pour faire des points de suture, elle s’assoit à côté de lui, désinfectant les plaies ouvertes au niveau du visage. « Je t’ai déjà dit que je pouvais t’aider. Pourquoi tu ne veux pas de mon argent ? Je commence à gagner bien plus qu’avant, on pourrait s’en sortir plus rapidement si tu me laissais t’aider. » Combien de fois avaient-ils eu cette discussion ? Sauf que cette fois-ci Lihua ne voulait plus voir Shen rentrer dans cet état, même s’ils se disputaient, elle lui tiendrait tête. Elle souffrait trop de le voir comme ça, elle ne pouvait pas ne rien faire pour la personne qu’elle aime le plus au monde. Elle savait se battre elle aussi.