Dae-Hwan est l'incarnation parfaite du bon soldat. Il a toujours eu un grand coeur, n'a jamais supporté les injustices et a toujours souhaité améliorer le monde, pas le changer radicalement, car il sait qu'il s'y trouve de bonnes choses. C'est un grand idéaliste, un fervent partisan de l'ordre sans pour autant être complètement aveuglé sur le sujet. La nature humaine l'intéresse beaucoup et, durant ses années à l'armée, il en a vu les bas-fonds et la quintessence. Il n'a jamais manqué non plus de lucidité par rapport à son rôle de soldat. Il est vrai qu'aux yeux de certains, ils ne sont que de la chair à canon que l'on sacrifie sur l'hôtel de la guerre pour la bonne cause. Mais ce n'est pas de cette manière qu'il voit son rôle. Il a toujours eu conscience que c'était un peu le cas dans le fond, que les chefs ne se mouillaient jamais les mains et prenaient des décisions parfois difficiles. Néanmoins, pour Dae-Hwan, il fait également ce qui doit être fait. En restant à son poste, en risquant sa vie à chacune de ses missions, il évite que ce soit un autre à sa place, un autre qui n'aura pas choisi de se trouver là et qui ne répond qu'à l'obligation civique du service militaire. Dae-Hwan est une personne profondément bonne bien qu'elle ne le montre pas, elle ne parlera jamais non plus de cette vision des choses, de tout ce qui rend sa détermination inébranlable sur tout cela, il ne cherche pas non plus la gloire.

En étant fils de militaire, il était déjà conditionné à cette rigueur militaire, à se tenir bien droit, à mesurer ses gestes. Les années dans l'armée n'ont fait que renforcer son côté carré, droit, impartial, posé. D'ailleurs, il a gardé l'habitude de faire des réponses courtes lorsqu'on lui pose des questions. Il faut bien reconnaitre que ces six dernières années, il a côtoyé que d'autres soldats, ça laisse forcément des traces. Dae-Hwan fait toujours preuve d'une incroyable retenue, il n'élève pas la voix (excepté avec ses proches parfois), il est calme et avisé. Il peut comprendre certains points de vue, mais cela ne le fera pas démordre de sa manière de voir la vie. Tant que cela ne remet pas en cause l'ordre établi bien entendu. Il est perfectionniste. S'entraîner de longues heures, de jour ou de nuit, dans l'eau ou sur la terre ferme, cela ne l'effraie pas, au contraire, il adore se dépasser à chaque nouvelle épreuve. Le soldat reste pragmatique, lucide, établit des stratégies afin de mener les missions au succès en respectant le protocole. Il aurait pu faire une grande carrière, mais se préfère largement sur le terrain. Malgré son air neutre, il n'est pas quelqu'un à sous-estimer. Au contraire, il est même considéré comme un des meilleurs du Corps de Marines. Il a été entraîné pour manier tout un tas de véhicules, d'armes.

Le coréen est très dévoué envers sa famille et ses amis. Lorsque sa mère était malade, il n'a jamais rechigné de devoir s'occuper d'elle. C'est ainsi qu'il est devenu une vraie fée du logis. Il n'hésitera pas non plus à débarquer quand quelqu'un va mal, bien que son métier ne lui permettait pas de le faire autant qu'il l'aurait voulu. Dae-Hwan est capable d'écouter, de conseiller, de se montrer affectueux aussi. Il est le genre de petit-ami qui ne cherche que le bonheur de sa compagne et qui sait profiter des moments simples. Le passé ne mérite de se retourner dessus que pour en tirer des leçons à ses yeux, l'avenir ne l'effraie pas non plus. Il sait qu'il risque sa vie, l'explosion qui a failli le tuer le lui a encore rappelé, c'est pour cela qu'il profite de chaque jour comme s'il était le dernier. Il n'est pas du genre à aimer se confier, il n'en ressent pas le besoin. Se perdre dans ses états d'âme pendant des heures, ce n'est pas pour lui. Sa force, son envie de vivre, ne lui font jamais baisser les bras. Il est aussi doté d'un grand sens moral.

Il y a des choses qu'il aime et qu'il déteste, comme tout le monde. Le traiter de hamster équivaut à se faire cogner ou mordre. Il ne sourit pas souvent, déformation professionnelle. Puis il préfère réserver cela aux personnes qui le connaissent bien. Dae-Hwan possède un certain charisme renforcé par sa grande stature et ses larges épaules. Il affectionne se balader en treillis. Lorsqu'il parle, il n'aime pas qu'on lui coupe la parole, c'est un manque de respect et de savoir-vivre. Bien qu'il ait un côté brute de décoffrage, son intelligence est fine, vive. Le soldat n'a jamais cherché à se trouver quelqu'un depuis qu'il s'est enrôlé, ne voulant pas imposer de longs mois d'attente à une éventuelle compagne. De toute manière, son coeur est déjà rempli d'une personne, il n'y a plus de place pour d'autres. Personne qui n'a jamais rien remarqué car il a toujours fait preuve de volonté, de self-control. C'est un gros mangeur et son pêché mignon est de mitonner de bons petits plats.

Dae-Hwan n'avait absolument pas envie d'être là. Il avait d'ailleurs très vite décliné la proposition et la réplique n'avait pas manqué. C'était un ordre, pas une requête bien entendu. Puisqu'il n'avait pas eu d'autre alternative, il s'était donc ramené dans les locaux d'un magasine militaire dans son uniforme de cérémonie. Il n'y avait pas un seul pli sur sa tenue qu'il avait lavé et repassé lui-même, pas une seule marque sur ses chaussures lustrées, pas un seul épi dans sa chevelure devenue blonde durant sa convalescence et qui retournerait au noir de geais une fois son retour à la vie active. Sur la manche gauche de sa veste trônait son insigne, trois barrettes indiquant son rang de sang-byong (équivalent du carporal us). Sur sa tête était vissé son chapeau avec l'insigne de l'armée à laquelle il appartenait, le Corps des Marines, la branche la plus dure de toute. Dans ses yeux ne flottaient aucune émotion particulière sans pour autant qu'il ne fut dur, au contraire, ils reflétaient qu'il vivait, bougeait, pensait sans éprouver le moindre doute dans son esprit. Non loin de son pectoral était accrochée la médaille qu'il avait reçu pour avoir sauvé des civils, qu'il se serait bien abstenu de porter. Il n'avait pas fait cela pour la gloire mais par devoir. Néanmoins, il n'était pas dupe. Cette interview avait des fins stratégiques, elle serait un bon point pour l'armée, ni plus ni moins. A l'intérieur de la pièce bien éclairée, il retira son couvre-chef qu'il tint sous son bras, puis s'inclina afin de saluer le journaliste en face de lui. Il fut invité à prendre place sur le sofa en face et il obéit. Du thé fut servi. Ce fut dans cette ambiance que les questions commencèrent.

J : Comment en êtes-vous venu à devenir un militaire ?

Song Dae-Hwan : « Mon père est officier dans la marine. Je l'ai toujours admiré pour ce qu'il faisait.  Tout petit déjà, je voulais servir mon pays. Mes frères ont également choisi cette voie. Il faut croire que c'est dans notre sang. »

J : Le Corps des Marines est réputé pour sa difficulté. N'était-ce pas trop dur ?

Song Dae-Hwan : « Je ne suis pas arrivé au Corps de Marines tout de suite. J'ai d'abord effectué mon service obligatoire dans l'armée de terre. J'avais déjà de la volonté du haut de mes dix-huit ans. En m'entraînant avec sérieux, j'ai vaincu toutes les épreuves que mes formateurs m'ont imposé. Je suis dans mon élément avec le dépassement de soi en permanence. »

J : Vous avez dit avoir toujours voulu être soldat. Parlez-nous un peu de votre enfance.

Song Dae-Hwan : « Il n'y a pas grand-chose à dire. Nous vivions dans une maison mes deux frères aînés et moi. Mon père servait notre pays et ma mère s'occupait de nous. Mon enfance a été comme toutes les autres, avec des hauts et des bas. Peu de mes camarades pouvaient comprendre mon envie de devenir militaire, activité bien trop dangereuse à leurs yeux. J'ai redoublé une année car ma mère est tombée malade et j'étais le seul à pouvoir m'en occuper. Cela ne m'a empêché de m'accrocher et de réaliser mon rêve. Diplômé du lycée, je me suis enrôlé. »

J : Vous étiez vraiment décidé.

« Je le suis toujours. Pas une seconde, je n'ai regretté ma décision. »

J : Votre père a dû être fier de voir son dernier fils suivre sa voie.

Song Dae-Hwan : « Il l'était. Je me rappelle très bien de ses paroles le jour où j'ai réussi reçu mon nom sur mon uniforme. Il m'a dit fils, tu es seulement au début de ce long chemin parsemé d’embûches. Tu dois travailler plus dur et plus fort encore. Tu dois devenir le meilleur. Tu le dois pour ton pays, ses habitants, tu le dois pour continuer à rendre fier ta famille. Je continue de suivre ses conseils. »

J : Et votre mère ?

Song Dae-Hwan : « Elle ne montrait jamais que ce n'était pas facile. A chaque fois que je devais retourner à la base, elle me souriait toujours, confiante à propos de mon retour chez moi la prochaine fois. Je l'en ai toujours remercié de me permettre de partir le cœur moins lourd. »

J : Beaucoup de personnes de votre âge souhaitent se trouver quelqu'un et songent à fonder un foyer. Qu'en est-il de l'amour dans tout cela ?

Song Dae-Hwan : « J'ai beau être un soldat qui a dédié sa vie à son pays, mon cœur n'en reste pas moins grand. Il y a quelqu'un qui m'est cher. Pourtant, jamais je ne l'avouerai. Être compagne d'un militaire n'est pas une vie. »

J : Vous avez été gravement blessé durant la guerre. Pouvez-vous nous raconter le déroulement de cette journée ?

Song Dae-Hwan : « J'étais en patrouille avec mon unité. C'était de plus en plus le chaos dans les rues de la ville. Ça tirait dans tous les sens et il restait des civiles à évacuer. Mon dernier homme revenu, nous allions partir quand j'ai aperçu une mère et son fils pris entre deux feux. J'ai donné l'ordre de continuer l'opération et suis revenu sur mes pas. J'ai à peine eu le temps de les pousser en lieu sûr dans un cave qu'une bombe a explosé à côté de moi. Le souffle m'a projeté plusieurs mètres plus loin dans une crevasse. Ne retrouvant nulle trace de mon corps, j'ai été déclaré décédé par le QG. C'est un médecin qui m'avait trouvé par hasard et conduit dans un hôpital en périphérie.  Mon état été critique. Brûlures au second degré, blessures à l'abdomen par une barre en métal qui l'avait transpercé, entailles profondes sur mes doigts. Mes signes vitaux étant compromis, j'ai été mis dans un coma artificiel. Il a fallu plusieurs mois pour me soigner. »

J : Vous êtes un miraculé.

Song Dae-Hwan : « Je reconnais avoir eu beaucoup de chances. »

J : Qu'est-il advenu de la mère et à son fils ?

Song Dae-Hwan : « Ils ont été retrouvés après l'explosion, indemnes. »

J : Vous deviez vous sentir soulagé.

Song Dae-Hwan : « J'avais surtout du regret de ne pas avoir pu aider d'autres habitants à s'en sortir. »

J : La fin de la guerre a été sonnée, les terroristes vaincus. Comment avez-vous vécu votre retour à Séoul ?

Song Dae-Hwan : « Je ne m'attendais pas à la voir aussi divisée. Le peuple coréen a toujours été uni et c'est ce qui fait sa force. Le système s'est effondré en partie. Les inégalités se creusent. Ça n'est pas bon pour la sécurité de tous. »

J : Votre famille a dû être soulagée de vous savoir toujours en vie. Quel a été leur accueil ?

Song Dae-Hwan : « Mitigé. J'ai appris en revenant que mon frère aîné était décédé sur le champ de bataille. Ma mère n'a pas supporté d'apprendre qu'elle avait perdu deux de ces fils, elle a dû être hospitalisée. »

J : Que pensez-vous des différentes factions ?

Song Dae-Hwan : « Les conservateurs ne sont pas un danger, ils soutiennent le système passé. Le seul point qui peut s'avérer problématique est l'aveuglement que peuvent mettre certains à se voiler la face sur la réalité. Ce n'est pas en la niant qu'elle n'existe plus. Les engagés, dont je fais à présent partie essaie de rendre encore et toujours le monde meilleur en mettant de l'ordre. Les enragés ne sont pas mieux que des terroristes. Ils ont pris leur place et profitent du chaos pour servir les desseins de leur petite personne.  Il n'y a aucune organisation, aucune motivation autre que de se laisser aller à la colère et la violence. Ils se plaignent des interventions des engagés, mais s'ils décidaient de se calmer, notre faction deviendrait moins active. Quant aux libertaires, la majorité ne représente pas une menace. Ils se bernent juste d'illusions idéalistes. »

J : Maintenant que vous êtes de retour, quels sont vos projets ?

Song Dae-Hwan : « Ma rééducation est quasi-terminée. Je vais pouvoir me remettre à l'entraînement et retourner à la vie active. »

Dae-Hwan relut avec le journaliste puis prit congés. Il s'était bien gardé de dire que la visite à sa mère avait empiré son état. Dès qu'elle l'avait aperçu, elle s'était mise à hurler et pleurer en étant convaincu qu'il était un fantôme revenu la hanter. La cohésion familiale avait été détruite, sa mère ayant toujours été le liant entre eux. De retour chez lui, il se changea pour enfiler des vêtements plus confortable et aller faire de l'exercice. Il avait besoin de se changer les idées. Après cela, il irait rendre visite à son meilleur ami en espérant que l'accueil serait meilleur. A l'idée de revoir Ryong, un fin sourire se dessina sur ses lèvres. Cela faisait si longtemps.